dimanche 13 octobre 2013

Tendre est la nuit

Victor Hugo - 1853

Bon voilà, j'en suis au point où je me couche tous les jours à 2h30 du matin. C'est un souci.

J'ai toujours eu une tendance à me coucher tard. Quand j'entends tard, c'est bien après minuit. Pendant des années, cela n'a jamais été un problème. J'ai fait mes meilleurs joggings en les enchaînant à des nuits blanches, appréciant d'être fatiguée, lessivée pour une vraie raison. Car dans mon cas, le sommeil ne peut être que lié à l'épuisement. La sieste? Une hérésie.

J'ai vu les plus beaux films, écouté les plus belles émissions de radio dans le silence de la nuit. J'ai dessiné, pris des bains, lu des livres, écouté mes disques, préparé des gâteaux, apprécié de voir le jour se lever sur la gare Montparnasse, tenté de retenir le nom des morceaux de Radio Classique, enchaîné les lancements de bouilloire et remplissage de theières, lu beaucoup de bêtises sur divers sites, fait du vélo pour le plaisir de dévaler à toute vitesse la rue Saint Sulpice déserte puis remonter en zig-zaguant la rue du Cherche-Midi.

Ce que j'aime dans la nuit, c'est son silence, son calme, l'impression qu'elle donne qu'on peut s'extraire du poids du quotidien, s'adonner à ce que l'on a vraiment envie de faire. La nuit est propice aux projets, aux envies. Parce qu'on ne doit pas faire de bruit, éviter les lattes du parquet qui craquent, la nuit appelle l'intimité, le recentrage, et au final l'égoïsme. C'est le seul moment où la présence des autres n'est qu'une politesse. 

Dans la solitude de la nuit, on peut décompter ses comparses en regardant les lumières tardives dans les immeubles qui nous font face. On peut veiller sur le sommeil de ceux qui nous sont chers, les contempler au moment où ils se sont le plus abandonnés. 

La nuit est addictive et c'est bien là mon souci. Il suffit que je passe quelques jours chez mes parents sûre d'avoir un relais le matin, que je sois seule sans enfant pour le week end et les mauvaises habitudes reprennent. Je zone, commence à classer des choses, esquisse des projets en tout genre, ouvre un nouveau livre, lance un nouveau dvd... et  je m'endors heureuse au petit matin, contente de ne pas avoir perdu mon temps. Malheureusement, je ne suis plus étudiante depuis longtemps, je travaille, j'ai un enfant, ma capacité d'insomnie sans souci s'en trouve donc fortement réduite. Se réveiller tôt, enchaîner les journées marathon, tenter de faire du sport régulièrement, sortir, essayer de garder un semblant d'intérieur, ce n'est pas très compatible avec le fait d'enchaîner les nuits blanches. Bref, je fatigue, je m'épuise.

Chaque semaine, j'essaie de me dire que désormais je vais me coucher tôt. Je me fixe 23h, à minuit, je suis encore en mouvement, à minuit 30, je culpabilise, à 1h je me dis "en même temps, maintenant....". S'astreindre à se coucher "tôt", c'est abandonner trop de choses pour moi, c'est accepter d'avoir vieilli, ce qui ne me met pas en joie, et c'est surtout accepter l'ascendance, la domination de la vie réelle sur la vie rêvée, la fantaisie, l'imagination, la poésie, la solitude. Comme si, en plus de réduire tout type d'ambition en moi, de me confronter constamment à mes limites en me disant "tu vois?", la réalité m'interdisait également d'être moi.

Bref, qu'on me rende ma nuit blanche.


Allez cheers!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire