lundi 8 juillet 2013

Présumée innocente



Depuis quelques jours, plusieurs idées se télescopent dans ma tête. La réécoute d'un album qui a beaucoup rythmé mon adolescence, la lecture d'un post de Café Mode sur le site Part Nouveau et la consultation de sites en tout genre m'ont fait réfléchir aux contours du concept d'influence.

Le blog Part Nouveau décrypte en effet la résurgence des images du "passé" dans le travail photographique et stylistique d'aujourd'hui en centrant son approche archiviste sur la mode. Sa lecture est bien sûr passionnante et m'a fait repenser à toutes ces fois où une image en convoquait une autre de manière plus ou moins ostensible.

Si la réappropriation d'images est omniprésente dans l'éditorial classique, elle l'est aussi sur les blogs avec parfois un effet d'entonnoir assez fascinant. Pour exemple, il fut un temps où le blog thecherryblossomgirl proposait, de manière totalement revendiquée, une déclinaison de l'univers de Sofia Coppola, elle-même fortement influencée par les photographies de William Eggleston et de Joseph Szasbo. Impossible de ne pas être amusée du coup par la multiplicité des influences à l’œuvre pour la production d'une seule image. Pour exemple, je pense particulièrement à cette photo d'Eggleston représentant une jeune femme alanguie sur l'herbe, principale inspiration de Sofia Coppola pour figurer Lux Lisbon au petit matin de sa prom night, et qui a depuis fait l'objet de centaines de déclinaisons sur différents blogs féminins.

W. Eggleston - “Untitled,” 1975

Sofia Coppola - The Virgin suicides
Thecherryblossomgirl.com

La réinterprétation d'images est devenu un phénomène assez massif et ne puise pas seulement ses sources dans la photographie ou le cinéma.. Il est assez amusant de voir comme Instagram qui a vocation à donner libre cours à la créativité, creuse plutôt le sillon d'une esthétique très formatée. Pour quelques comptes créatifs, la plupart (dont le mien, je ne juge pas) fabriquent des images au final uniformisées. Les blogs, les réseaux sociaux en nous ouvrant la porte sur l'univers des autres nous rendent paradoxalement paresseux et semblables.

Bon là je m'égare. Ce qui est le plus intéressant dans l'influence c'est qu'elle est parfois tout à fait innocente. Il y a quelques temps, Miley Cyrus a sorti un nouveau clip. Pour rappel, Miley Cyrus est une espèce d'icône Disney qui doit avoir 19 ans et qui, passée sa période "petite chérie de l'Amérique", fait désormais tout pour faire comprendre qu'elle est plus pervertie qu'elle n'en a l'air (rasage de tête, teinture blonde platine, piercings, danses lascives et autres choses étant censées nous faire pousser des cris). Dernier fait d'armes en date, son nouveau clip "We can't stop", qui a beaucoup fait parler pour sa réinterprétation maladroite du son "noir".




Ce clip m'a surtout fait penser à un autre vidéo qui elle aussi avait fait scandale à sa sortie : le clip de Fiona Apple réalisé par Mark Romanek pour le single "Criminal". Les deux films sont vraiment intéressants à comparer car sans le savoir celui de Miley Cyrus est très fortement influencé par celui de Fiona Apple.



Ils présentent tout deux deux jeunes femmes de 19 ans en pleine affirmation de leur féminité et de leur sexualité. La transition de l'adolescence vers l'âge adulte y est associée à une représentation importante du corps, entre genoux cagneux et chevilles entortillées pour l'une et sensualité volontairement outrancière et donc forcement maladroite pour l'autre. Le tout dans une atmosphère de fête décadente à laquelle dont on ne détiendrait pas l'accès.

Autre correspondance : chaque clip est le produit de son époque. Dans l'oeil de Mark Romanek, Fiona incarne tout à fait l'idée que l'on se fait des années 90 avec sa maigreur à la Kate Moss, ses nuisettes tout droit sorties d'un défilé Miu Miu de l'époque et l'atmosphère reflet de la passation de relais entre la période grunge et le porno-chic lancé par Carine Roitfeld et Tom Ford. Dans le clip de Miley Cyrus, ce sont les années 2010 qui apparaissent dans toute leur vulgarité à grands renforts de signes ostensibles de connerie 2.0 et surtout dans cette esthétique bling-clochard-seapunk chère à notre époque.

Là où les choses diffèrent et où Miley devraient tirer des leçons de Fiona, c'est qu'on est jamais plus subversif que lorsque l'on en dit peu. Si We can't stop multiplie les fausses provocations (oeillades langoureuses, plan sur toute l'anatomie de la belle, séquence de danse assez ridicule sur lit et port du legging blanc douteux), celui de Fiona nous laisse sur une interrogation: que s'est-il passé? On décèle la forte tension sexuelle, le voyeurisme de ses acteurs mais également le nôtre qui règne dans la pièce qu'il nous est donné à voir mais y a-t-il une victime? si oui est-ce elle? le film fait alterner les rôles et laisse entrevoir un personnage beaucoup moins innocent qu'il n'y parait.

Bref, Miley, va te rhabiller.

Allez, cheers!






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire